Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir de rencontrer Jodi, aka Doula Paris. Son écoute active et honnête m’ont touchée et donné envie de partager avec elle, et sur son blog, le récit de la naissance de mes deux filles, nées en 2010 et en 2012.
En 2010, j’ai donné naissance à Léonie, notre première fille. Elle est née à 14H45, un vendredi. Elle était magnifique, nous avons pleuré avec son papa en la voyant. C’était le plus beau jour de notre vie. Celui où nous sommes devenus parents. Sa naissance s’est déroulée « classiquement » pour une française comme moi. Elle est née dans une grande maternité parisienne, avec péridurale posée en début de dilatation ; j’étais seule avec mon amoureux pour vivre cela, allongée sur une table d’examen, nous écoutions le cœur de notre bébé sur le monitoring en attendant que les heures passent. Nous étions heureux de partager ce moment tous les deux, nous attendions avec impatience l’arrivée de notre bébé. Avec l’anesthésie péridurale, très dosée, je ne sentais plus mes jambes, mais on me disait que « c’était normal ». la sage-femme passait régulièrement nous voir, elle a percé la poche des eaux au bout de quelques heures, réalisé des sondages urinaires, je ne sentais rien de tout cela. Puis à un moment j’ai eu la sensation qu’il fallait pousser, la sage-femme est arrivée et c’est elle qui a « mis au monde mon bébé ». C’était ainsi, c’était normal me disait-on, et je le pensais aussi.
En 2011, alors que je vivais ma deuxième grossesse, j’ai senti naître en moi le début d’une reflexion, le début d’une envie d’autre chose.J’avais commencé à me documenter sur la naissance physiologique. J’avais cheminé depuis la naissance de Ma Grande, et même si au moment de sa naissance j’avais eu la sensation que tout était parfait. Plus le temps passait et plus je me disais qu’on m’avait « volé quelque chose », que la sage-femme avait mis au monde mon bébé, pas moi. Je ne savais pas vraiment comment l’expliquer, mais c’était un sentiment profond et intense, presque douloureux. Tout ce que j’avais alors idéalisé me paraissait maintenant complétement anormal.
J’ai donc choisi d’accoucher dans un hôpital parisien « ami des bébés », en me disant que j’aurais un accompagnement plus doux que dans la précédente maternité. J’ai écrit un projet de naissance, dont je ne me rappelle plus très bien aujourd’hui, mais qui mentionnait surtout mon envie de « vivre activement la naissance de mon bébé», d’éviter au maximum un déclenchement et l’administration d’une péridurale (car je redoutais qu’elle soit trop dosée ou qu’elle ralentisse la progression de la naissance de mon bébé).
J’ai participé à des cours de chant prénatal (http://chantprenatal.com/), pendant lesquels je me suis sentie très à l’aise. Je ressentais un lien fort entre mon corps, ma voix, mon souffle et mon bébé. C’était assez magique. J’avais la sensation de sentir les sons que j’émettais partir du plus profond de mon ventre et résonner dans tout mon corps en lien avec mon bébé.
J’ai découvert aussi durant ma grossesse le livre qui, je crois, à fait basculer ma vision de la naissance « Vivre sa grossesse et son accouchement – Une naissance heureuse » d’Isabelle Brabant. Le récit de l’histoire d’un accouchement dont je partage ici un extrait, a particulièrement fait écho en moi :
« maintenant vous pouvez sentir la prochaine contraction qui arrive. Comme une belle et grande vague, pleine d’ écume. Elle vient vous chercher et vous emporte sans que vous puissiez rien y faire sauf respirer et respirer. La tête de votre bébé plonge vers le col, pèse sur le col, lui demande de s’ouvrir, de lui faire de la place.
Parce qu’il veut naître cet enfant. Vous respirez pendant que la vague vous emmène toujours de plus en plus loin, de plus en profond. (...) c’est toujours votre souffle qui vous porte, qui vous transporte jusque dans le creux de votre ventre, pour aller dire oui , oui à la porte qui s’ouvre, au col qui s’ouvre, à tout votre corps qui s’ouvre pour laisser passer votre bébé... »
En lisant ces mots, je me suis alors dit c’est possible, je veux être actrice de la naissance de mon bébé, je ne veux rien subir (décollement des membranes, rupture de la poche des eaux, péridurale trop dosée, sondage urinaire, position allongée imposée... comme je l’avais vécu pour ma Grande).
La vieille de la naissance de mon bébé, j’ai rendu visite à une sage-femme acupunctrice. Mon objectif était qu’elle m’aide à être sereine et surtout à éviter de dépasser le terme, ce qui m’obligerait à être déclenchée.Durant cette séance, la sage-femme m’a posé quelques aiguilles et m’a laissé m’assoupir pendant 30 minutes. Je me suis endormie profondément et j’ai vécu la naissance de mon bébé. J’étais dans une grande piscine, allongée sur un petit matelas au fond de l’eau, je respirais sous l’eau, comme un poisson, et je vivais cela dans un grand moment de légèreté et de plénitude. Mon bébé naissait dans l’eau, souriant et joyeux, il était magnifique, j’étais heureuse et sereine.
Je me suis réveillée de cette pause, avec un sentiment de grande puissance, et de sérénité, j’étais prête.Cette nuit là, j’ai très bien dormi, d’un sommeil très profond. J’ai aussi la sensation d’avoir eu quelques contractions, mais pas douloureuses.
J’étais à 8 jours du terme prévu par les médecins, mais ce matin là en nous levant, nous nous sommes dits avec Gaël, « allez, on se fait un bon petit déjeuner, c’est peut-etre le dernier à 3, nous serons bientôt 4 ! »On ne s’était pas trompés.
Le jour J
Léonie part à la crèche, Gaël au travail, moi je reste à la maison, je me repose, je fais une bonne sieste de deux heures. Je me réveille pleine d’énergie.Vers 13H, je commence à ressentir des contractions, je prends une douche et un cachet de spasfon comme on me l’a conseillé à la maternité. Les contractions s’intensifient mais je les gère très bien, je respire très profondément, je chante aussi ou je fais des sons graves qui m’accompagnent à chaque contraction.Plutôt que de résister, je suis à l’écoute de mon corps, je me relache au maximum entre chaque contraction, et surtout j’accepte tout ce qui m’arrive. Les contractions sont intenses mais pas régulières.Vers 15H30, j’appelle Gaël pour le prévenir, il rentre à la maison pour me retrouver vers 16H30. Nous réfléchissons à l’oganisation pour la suite, pour savoir qui va pouvoir prendre en charge notre Grande Léonie. C’est la maman de Gaël qui se met en route pour nous rejoindre (elle arrivera finalement après la naissance!) .Je vis mes contractions dans notre chambre, Gaël part chercher Léonie à la crèche, il est aux alentours de 18h.Je sens bien que les contractions s’intensifient mais quelque chose me retient à la maison et je reste dans la chambre. Avec le recul, je crois que je ressentais le besoin d’être chez moi, en terrain connu, pour m’exprimer librement. Chanter, crier, me déplacer, bouger librement, autant que je le souhaite, vivre cette naissance pleinement, sans me sentir jugée ou observée par des inconnus (à la maternité).Pendant ce temps, Gaël prépare un fondant au chocolat avec Léonie (les sages- femmes de la maternité nous avaient dit que pendant le travail, nous pouvions préparer un petit gâteau à apporter à l’équipe... bon en réalité, l’idée était plutôt que la future-maman prépare le gâteau... moi j’étais déjà trop en train d’accoucher pour préparer quoi que ce soit)
A 19h15, Gaël me dit que sa maman n’arrive pas et qu’il a la sensation que nous devons partir à la maternité maintenant. Notre voisine propose de garder Léonie et son mari de nous accompagner en voiture à la maternité.Gaël tente de m’aider à m’habiller mais je pense sincèrement qu’il est déjà trop tard pour partir. Je m’appuie contre le mur de la chambre, comme pour m’ancrer davantage. A ce moment là, je perds les eaux, je sens que le bébé est là, juste prêt à naître.
Gaël me dit « allez on y va », je lui dis « le bébé arrive »Quelques secondes plus tard, je ressens une immense envie de pousser. Gaël est là et prend conscience que nous n’aurons pas le temps d’aller à la maternité. Il reste calme, il appelle les pompiers qui lui disent de préparer des serviettes chaudes pour entourer le bébé ; Quand j’y pense, c’est assez surréaliste comme moment !Je sens vraiment qu’il faut que je pousse maintenant, j’ai l’impression d’être déconnectée du monde, d’être dans une bulle, d’être à 100% dans les sensations du moment. Plus rien n’existe autour, sauf moi et notre bébé, je me sens tellement énergisée et puissante, c’est au-delà de moi, difficile à expliquer.Je sens vraiment qu’il faut que je pousse maintenant, Gaël est là pour accueillir notre bébé, ce sera lui notre sage-femme.Je pousse une première fois, la tête de notre bébé sort. Gaël me dit que notre bébé a les yeux grands ouverts, et qu’il regarde tout autour, mais qu’il est un peu bleu-violacé (ce qui est plutôt normal, mais nous ne le savions pas à l’époque).Je ne me souviens pas de ce moment, mais Gaël me dit que je crie à ce moment là, cela me redonne de l’énergie. À la prochaine contraction, je pousse une deuxième fois très fort, je vis à 100% ce moment intense.Notre bébé sort entièrement après cette deuxième poussée, et tombe dans les bras de son papa, plof, comme un petit paquet cadeau ! il est un peu entortillé dans son cordon, mais Gaël réussit à le poser sur mon ventre. Je sens mon bébé respirer contre moi, le temps est suspendu, on se regarde tous les trois. On n’y croit pas. Je suis là, entièrement présente au moment magique que nous vivons. Après de longues minutes, nous regardons si notre bébé est une fille ou un garçon ; Une deuxième fille, notre Petite, notre Zélie est née, dans notre lit, ce jeudi à 19H40.Notre Grande Léonie avait fait de nous deux des parents, Notre Petite Zélie fait de fait de nous 4 une famille.
Je ne sais pas si mes mots peuvent retranscrire avec autant d’intensité ce que j’ai vécu le jour de la naissance de Zélie.
Quand je parle autour de moi de la naissance à la maison de Zélie, il y a plusieurs types de retour : Il y a ceux qui trouvent l’histoire géniale, qui veulent des détails mais qui finissent toujours par conclure « ah ! tout s’est bien passé mais tu imagines ce qui aurait pu vous arriver ». Il y a aussi ceux qui disent « oh bah oui c’était rapide comme naissance, donc c’est normal que tu aies pu accoucher sans péridurale », comme pour minimiser ce que nous avons vécu ce jour là. Et enfin, ceux qui pensent que je suis complétement folle et que j’ai mis en danger ma propre santé et celle de mon bébé ...
Je me rends compte que moi-même je minimise souvent la naissance de Zélie, en disant, « nous avons eu de la chance » comme si je devais faire plaisir aux autres en leur disant cela.
Alors aujourd’hui, j’ai envie de profiter de cet espace pour dire que je crois au fond de moi, que nous n’avons pas « eu de la chance ». Zélie est JUSTE née de manière naturelle.Je pense que je n’ai pas pu parler ouvertement, dès le début de ma grossesse, de mes doutes, de mes envies. Notre inconscient de femme est tellement formaté au fait qu’une femme a besoin d’aide médicale pour accoucher, d’être entourée par des professionnels prêts à intervenir, que j’ai eu du mal à envisager une naissance à la maison avec une sage-femme.
Je n’ai pas trouvé en France l’écoute et l’accompagnement qui m’auraient peut- être permis de décider, d’assumer, de préparer un « accouchement à domicile » (AAD) avec le soutien d’une sage-femme et d’une doula (dont j’ignorais complétement l’existence à l’époque).
Je souhaite profondément qu’en France le regard sur la maternité, sur la femme enceinte, évolue, qu’on puisse dire aux femmes à quel point elles sont formidables, et à quel point elles sont puissantes et capables de mettre au monde leur bébé.
Aujourd’hui, je suis heureuse de cette magnifique naissance , j’ai pris conscience que j’étais « capable » de mettre au monde mon bébé, cela m’a rendu plus forte et plus heureuse, dans ma vie de mère, mais également dans ma vie de femme !
Qui suis-je ?Leslie, 33 ans.Mon chemin de vie personnelle m’a amenée à avoir envie de soutenir les parents dans la découverte de leur parentalité.En 2013, j’ai quitté mon poste de chef de projet dans l’audiovisuel pour reprendre des études et devenir Auxiliaire de puériculture. J’accompagne aujourd’hui des parents dans leurs débuts de vie de parents avec leur bébé en travaillant dans un centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI) à Paris. Je me sens « doula » dans l’âme, et j’envisage d’en faire mon métier ;-)
Vous pouvez lire mes aventures professionnelles et familiales sur « leblogdeslulus.com »